Effondrement de la biodiversité…et des moyens financiers

La commission mixte paritaire, parvenue à un accord le 25 juin 2019, consacre la création de l’Office Français pour la Biodiversité, nouvelle entité qui rassemblera deux organismes, l’AFB (Agence Française de la biodiversité) et l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) et qui sera opérationnelle dès janvier 2020. Pour autant, syndicats et ONG s’alarment sur une situation qui apparaît comme un recul historique en matière de préservation des ressources naturelles, et ce alors même que le gouvernement avait souhaité renforcer l’efficacité de son action dans le cadre de la mise en œuvre du « plan Biodiversité » annoncé le 4 juillet 2018.

Emmanuel Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire rappelle que le maintien de la biodiversité est « une condition de notre survie ». Partant de cette évidence elle déplore que l’érosion de la biodiversité s’effectue « dans une assez grande indifférence ». Le déclin partiellement irréversible du vivant résulte principalement de l’activité humaine et d’une exploitation irraisonnée des ressources. D’après une étude menée par une plateforme intergouvernementale de la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), seraient menacés d’extinction : 40% des amphibiens, un tiers des récifs coralliens et 30% des mammifères marins. Les chercheurs associés s’alarment unanimement sur « le dangereux déclin » de la nature engendré par 5 facteurs exerçant une pression, au premier rang desquels figure l’artificialisation des terres.

L’Agence française pour la biodiversité, entrée en fonctionnement en janvier 2017, en appui de la loi Biodiversité de 2016, est un établissement public placé sous les auspices du ministère de la Transition écologique. Cet organisme a pour mission d’appuyer la mise en œuvre des politiques environnementales en assurant la préservation des espèces, le développement des connaissances, la lutte contre les espèces envahissantes ou la gestion des espaces protégés. Elle vient également en appui des acteurs socio-professionnels de manière à apporter son expertise et comprend une police environnementale. Lors de sa création, cette agence issue de 4 établissements fusionnés, avait soulevé l’inquiétude des ONG et des syndicats quant à son manque à de moyens. Équipes sous-dimensionnés, suppression de postes, telle était déjà la situation de la structure il y a deux ans alors même que de nouvelles missions lui avait été assignées. Faute de soutien politique, des enjeux prioritaires tels que l’atténuation des effets du changement climatique ou la mise en œuvre de la doctrine « Éviter, réduire, compenser » ne faisaient l’objet que de quelques bricolages…

Le nouvel Office français pour la biodiversité va-t-il concrétiser les ambitions affichées par le gouvernement ?  Non. En l’état, il est bien loin d’être à la hauteur des attentes. La fusion de l’AFB avec l’ONCFS est peu ou prou l’arbre qui cache la forêt. Car force est de constater que cette initiative vient masquer l’amputation budgétaire et n’est que le révélateur d’un dysfonctionnement et d’un processus de dégradation progressif de la politique écologique. En dépit d’une communication enrobée de beaux discours et qui met en exergue des projets citoyens aux intentions vertueuses, l’avenir qui se dessine à terme reste bien incertain. Pour preuve, certaines missions sont amenées à disparaître faute de personnel, et l’absence de vision à long terme pourrait être préjudiciable à l’adaptation des politiques environnementales aux évolutions socio-économiques.

Autre menace pesant sur l’établissement public : le lobby de la chasse.  Rappelons que Nicolas Hulot, précédent ministre de la Transition écologique, en avait souligné l’impact délétère et que sa démission y serait partiellement liée. Outre la gestion adaptative des espèces qui autorise la chasse de toutes les espèces en bon état de conservation, le gouvernement a fait quelques concessions financières. La baisse des redevances cynégétiques fixées à un montant annuel de 44,50€ se traduit par une diminution du budget de l’ONCFS de 21 millions d’euros. En contrepartie de ce cadeau fiscal, Emmanuelle Wargon a demandé que les actions en faveur de la biodiversité soient supportées financièrement par les chasseurs, ce qui implique pour l’ONCFS de débloquer 10 millions d’euros. Malgré ces nouvelles dispositions, il s’avère que 40 millions d’euros, soit 12 % du budget de l’opérateur public ne sont pas couverts…

En définitive, les cris d’alarmes des collapsologues et autres tenants de l’effondrement qui voient se profiler la 6ème extinction ne sont guère entendus par les pouvoirs publics. Les dotations budgétaires régressent comme peau de chagrin, les opérateurs publics sont inféodés au diktat des lobbies et même si le périmètre d’intervention de l’agence se voit étendu (notamment au renforcement de la police environnementale), cela sera préjudiciable pour un personnel pressurisé au même titre que la nature qu’il tente de préserver…Reconquérir la biodiversité nécessite bien plus que ces petites bricoles.

2 Comments

  1. L’argent qui manque est un faux problème, la finance manipule 200-300 fois ce qui sert à l’économie réelle, mais tous les gouvernements défendent le capital et la propriété et surtout la rente que cela peut rapporter.
    Nous devons (pays développés) réduire de 80% notre impact écologique, soit ne travailler qu’un jour sur quatre à exploiter la planète. Après le Covid, tous les gouvernements veulent enclencher la 5éme mais pas pour la planète…
    On nous parle de Mars, de 5G, et toujours de croissance… mais point de transition écologique.
    Il faut réveiller les peuples pour qu’ils secouent les gouvernements, pour que les peuples ne paient pas pour une écologie dont ils ne profiteront pas, parce que le ralentissement de l’économie entrainera une paupérisation des peuples qui se mettront au service de la croissance pour survivre.
    https://lejustenecessaire.wordpress.com/2021/03/18/le-rmu-premier-pas-ecologique/

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