Que serait la vie sans papier ? Le grand paradoxe de la dématérialisation

Je vous propose une expérience qui j’espère fera évoluer votre perception du support imprimé : projetons-nous dans un monde où le papier n’existe plus et où la dématérialisation fait partie intégrante du mode de vie des gens.

Retour vers le futur : la fin du papier et de l’impression

Plus d’affiches, de flyers, de dépliants, de lettres ou de courriers imprimés…  plus de papier toilette non plus : peut-être le come-back du bidet, l’avènement du WC Japonais (avec son petit jet d’eau), ou celui des 3 coquillages.

Les livres sont conservés comme des reliques au musée, Google a numérisé tous les ouvrages pour rien puisque les gens ne lisent pas : ils écoutent un narrateur raconter l’histoire ou regardent les œuvres illustrées en 3D sur leur digibook.

Les grands quotidiens ne sont plus disponibles qu’en version numérique, les imprimeries rotatives ont mis la clef sous la porte. La majeure partie des journaux a périclité et les quelques survivants ont fusionné pour lutter contre internet en adaptant leur contenu à cette façon de consommer l’information.

Les gens travaillent à distance chez-eux sur des ordinateurs multi-écrans et continuent à se divertir en se déplaçant grâce au multimédia intégré dans leurs lunettes et leurs casques.

Le wi-fi s’est généralisé, le globe est moucheté d’antennes relai, et les données sont accessibles n’importe où sur terre. Le haut débit est has been, on parle de real time (temps réel) et on a oublié ce que voulait dire le mot chargement.

Les banques ont révolutionné le mode de paiement, on achète grâce à son empreinte digitale ou rétinienne et les billets ont disparu. L’imprimerie nationale a fermé ses portes depuis des années et les convoyeurs de fonds se sont recyclés dans les métiers de la sécurité.

On a cru bon de se passer d’une ressource qu’on disait (sans savoir) si impactante pour l’environnement, mais au lieu d’aller en s’arrangeant, la situation a empiré.

Le côté obscur de la dématérialisation

Dans ce monde du « zéro papier » ou de la dématérialisation des supports papiers, on respire encore moins bien : la déforestation a continué sa progression. Mais pourquoi, alors que la population n’utilise plus de papier (produit à base de fibres d’arbre), l’air est de si piètre qualité?

La réponse se trouve dans le choix des matériaux de tous les nouveaux supports de communication et systèmes d’information : les plastiques.

Dans ce futur, les forêts laissent place à d’immenses chantiers de forage et des progrès considérables ont été réalisés par l’industrie pétrolière. On peut extraire l’or noir bien plus en profondeur et chatouiller encore plus les entrailles de la terre. La source se tarie chaque jour d’avantage, aussi on n’hésite pas à abattre des arbres pour tenter de trouver une nappe sous les racines de cette ressource renouvelable mais désormais inutilisée.

Les usines de recyclage tournent à bloc mais il n’y a pas assez de matière pour produire… alors on pompe, on pompe, on pompe!

La durée de vie des supports n’a en revanche pas connue d’avancée, et contre un archivage dépassant allègrement les 30 ans pour le papier, des sociétés proposent de conserver et dupliquer vos données sur d’énormes serveurs moyennant un forfait mensuel. Bilan peu glorieux pour la dématérialisation, ah, si on avait su!

Mais pourquoi, alors que notre but commun est de préserver la planète, nous employons-nous à la saccager aveuglément ? Si la terre a perdu un poumon, la dématérialisation emportera le second.

Avant de se lancer dans le tout dématérialisé, il faut en évaluer les tenants et aboutissants… ou déjà les imaginer. La vision que je propose n’est pas sans parti pris, mais l’issue n’en est pour autant pas improbable.

Alternative à l’alternative

Nous sommes d’accord pour dire qu’il faut encourager les bonnes pratiques et explorer les alternatives.

Mais qu’en est-il si un procédé est repensé en profondeur pour respecter l’environnement, et supplante l’intérêt de l’alternative?

Il est omniprésent dans votre vie quotidienne et nombre d’entre vous ne sait pas à quel point c’est un produit renouvelable, écologique et bon marché… oui, le papier peut être utilisé de façon responsable!

C’est justement pour tordre le cou aux idées reçues que j’ai écrit ce billet car c’est toute la filière qui a subit une transformation en profondeur, depuis la gestion responsable des forêts en passant par les papetiers et jusqu’aux imprimeurs.

A qui profite cette vision erronée ?

La sensibilisation à l’environnement est devenue plus qu’un phénomène de société et la prise de conscience se traduit dans les comportements et dans les choix de chacun. En ce sens, la communication joue un rôle important pour informer les consommateurs.

Si l’imprimerie conserve l’image d’une industrie polluante malgré tous ses efforts, la dématérialisation ne fait que l’entretenir. Les fabricants de ces nouveaux supports tirent leur épingle du jeu dans ce grand paradoxe.

L’heure est aujourd’hui à la riposte : faire connaitre les initiatives qui proposent une impression respectueuse de l’environnement et permettre au consommateur de réactualiser sa vision des choses.

La communication comme levier de changement

Dans les mois qui viennent, vous risquez de voir la dématérialisation malmenée et d’entendre parler de la fondation «Culture Papier». Créée en mai 2009, elle vise à redonner une image positive et réaliste du papier et de l’imprimé.

Initiée par l’UNIC (Union nationale de l’imprimerie et de la communication), elle a officiellement été lancée le 6 janvier dernier. «Culture Papier» regroupe d’ores et déjà de nombreux partenaires : écrivains, journalistes, artistes, éditeurs, écologistes, imprimeurs et parlementaires.

La promotion du support papier s’oriente ainsi vers trois cibles distinctes : le grand public, les jeunes ainsi que les décideurs politiques (et autres leaders d’opinion).

Leurs actions de communication seront d’une part menées par le biais de différentes campagnes à la télévision ainsi qu’en presse écrite; mais également par la création de programmes courts, sans oublier un projet de film de 52 minutes intitulé «Un monde sans papier».

Un site internet est également en cours de création : il sera une ressource pour les enseignants, afin de valoriser l’imprimé auprès des jeunes, premières victimes de la dématérialisation. La fondation prévoit d’ailleurs l’organisation d’un concours national réservé aux écoles.

Au niveau politique, un projet d’étude appelé «imprimerie et culture papier» est également prévu pour être présenté à l’Assemblée Nationale.

En tant qu’imprimeur éco-responsable, nos engagements rejoignent ceux de cette fondation : informer le consommateur sur les avantages méconnus du papier.

L’impression responsable méconnue du grand public

Il existe aujourd’hui des imprimeries écologiques qui mettent en place une réelle démarche environnementale.

Voici pour preuve quelques actions réalisées par l’imprimerie Villière qui a créé sa propre charte éco-responsable : statut Imprim’Vert, réalisation d’un Bilan Carbone, certification papier FSC, achat d’un CTP sans chimie, revalorisation des déchets, sensibilisation au travers de l’éco-blog, impression sur papier recyclé avec des encres végétales (voir notre article encre végétale : boulchite)…

D’autres axes également explorés par certains imprimeurs écolos : certifications ISO et PEFC, bâtiments HQE, installation de panneaux solaires… et des idées naissent chaque jour.

Concernant les procédés, l’impression numérique permet aujourd’hui d’imprimer à la demande au lieu de stocker inutilement des documents. Complété par les technologies vertes existantes en matière d’impression offset, notre profession connait une modification profonde de son processus de fabrication.

Il est temps de révéler son nouveau visage : celui d’une imprimerie verte.

🙂 Le papier sur internet :
Le papier c’est la vie (via lepapier.fr)
Le papier contre l’électronique : Nouveau support, nouvelle culture (via internetactu.net)

(illustration Fotolia © Dennis Debono #166489)

About the author
Community Manager de l'imprimerie Villière (imprimerie écologique).

12 Comments

  1. Un commentaire reçu sur facebook :
    Je suis entièrement d’accord avec vous bravo ! Je soutient et je m’associe à votre action….Cette dématérialisation me fait peur…plus de disques, plus de livres, plus de cassettes, plus de photos… mais quel héritage allons nous laisser à nos enfants… qui ira fouiller sur un serveur comme on fouille dans un grenier et découvrir les souvenirs laissés par ses grands-parents… nos enfants ne connaitrons pas cela ? mais ne seront-ils nostalgiques ? Sois l’homme arrive à stopper cette dématérialisation, soit nous sommes entrain d’assister à la naissance d’une nouvelle civilisation…. nous entrons véritablement dans le 3ème millénaire, la 4ème dimension, le 5ème éléement…dans un vrai film de science fiction….qui n’est plus de la fiction, mais notre propre quotidien !

  2. Le problème, c’est que si les gens se passent de plus en plus du papier, ce n’est peut être pas par souci d’écologie !

    Si cet article était en version papier par exemple, je n’aurai pas pu vous faire part de mon désaccord, ni cliquer sur votre lien vers Youtube ou encore aller voir les articles similaires.

    Quand à votre exemple sur le papier toilette …

  3. PARADOXE est le mot juste.
    Dématérialiser intelligemment et imprimer intelligement, n’est ce pas la vraie question ?

    Les arguments ci-dessus sont très pertinents. Mais à contrario imprimer du n’importe quoi et à tout va existe aussi (y compris des mauvais livres).

    Je voulais indiquer que j’ai créé ma petite entreprise de dématérialisation documentaire parce que j’estime que des bons de commande, factures, notes de service et autres documents d’entreprise n’ont aucun intérêt, prennent énormément de place et son un poids considérable lors de déménagements.

    Mon épouse pratique la calligraphie et l’enluminure, je possède ne nombreux beaux livres, j’adore les belles affiches, le parchemin, les papiers d’art, etc…

    Bref, si on utilise tous les médias avec qualité et intelligence, avec réflexion, il est possible de faire admirablement cohabiter les 2.

    Je suis d’accord avec ce billet à partir du moment où il n’y a plus que des dogmatiques sur la terre.

    Le monde change, les techniques aussi, il faut s’adapter, les apprivoiser et surtout garder un sens de la mesure (ce qui n’est pas donné à tout le monde).
    Je travaille sur écran PC toute la journée mais quel plaisir de livre un livre qui sent l’encre, le papier, le froissement des pages, le marque page….

    Bref, en conclusion, le propos juste est dans ce billet : créons une alternative à l’alternative, c’est important d’en avoir une.
    A quoi bon créer une taxe carbone pour les pollueurs
    si dans le même temps il vous est impossible d’y remédier par l’achat d’une voiture électrique ?

    Vive le papier, vive l’imprimerie verte et vive la dématérialisation raisonnée.
    Je crois que l’imprimerie n’a pas à se justifier face à la dématérialisation parce qu’on en a besoin, elle est utile tout simplement.
    Au fait, je distribue de belles plaquettes papier pour promouvoir mon activité de dématérialisation.

  4. La dématérialisation du papier est un oxymore. On ne dématérialise pas le papier, on le transfert sous la forme d’octets. Or, pour créer, lire et manipuler des octets, il faut un clavier, un écran, un PC, un réseau internet, etc. bref, beaucoup de « matière » particulièrement toxique.

    Nous faisons une petite démonstration chiffrée en prenant l’exemple du bulletin de paie, ici :
    http://www.greenit.fr/article/materiel/paie-les-bulletins-electroniques-desormais-legaux

    pour creuser le thème de la dématérialisation :
    http://www.greenit.fr/tag/dematerialisation

    -fred

  5. S’il faut 1 PC pour produire 1000 ouvrages imprimés, il faut autant de PC pour les lire en version numérique. On peut très bien imaginer que d’ici 15 ou 20 ans tout le monde sera équipé d’un ordi (portable et facilement mobile) et qu’à ce moment là on aura plus d’utilité à imprimer des livres (ou autre chose d’ailleurs).

    Mais comment on conserve les données? Est-ce que ça dépasse le système d’archivage papier dans la durée. Si ce n’est pas le cas, alors outre l’aspect pratique, ça n’a aucun intérêt écologiquement… non?

  6. Je suis d’accord sur le fait qu’on ne doit pas accuser à tort et à travers l’industrie de l’imprimerie alors que de ce côté, comme vous le soulignez, des efforts énormes sont faits pour produire plus propre et pour recycler. Je recycle moi même tout ce que je peux, papier ou autre.

    Je suis aussi d’accord qu’on ne peut pas arriver au zéro papier, comme on ne peut arriver au zéro impression, ou au zéro pointé sur telle ou telle pratique.

    Je suis moins d’accord sur le calcul de la pollution générée par les ordinateurs. Vous vous voyez vivre sans connexion Internet à l’heure actuelle ou sans cet outil fabuleux qui vous permet de taper tous vos courriers, jouer au solitaire si l’envie vous en prend le temps d’une pause. Ces ordinateurs ont tout de même permis de sauvegarder des milliers d’ouvrages qu’on ne pourrait plus consulter si on ne les avait pas scannés et mis à l’abri. Les PC ont permis aussi, comme le souligne un autre contributeur, de venir ici partager nos points de vue, et le Web 2.0, avec son interactivité est à mon sens une avancée et non réduit à une source de pollution. Par ailleurs comme l’indique l’article, nous arriverons sans doute au télétravail plus généralisé et je suis pour, finis les trajets boulot ou en tout cas moins nombreux, ce qui fait baisser la pollution par ricochet. J’ajoute aussi que souvent les ordinateurs servent aussi bien au privé qu’au professionnel lorsqu’on est à son compte.

    Je suis d’accord avec l’intervenant qui pense que les factures, devis, et autres archives très inintéressantes à titre personnel sur papier, sont les bienvenus sous forme électronique et archivés dans de gros serveurs que nous n’avons pas à gérer et se casser la tête pour leur maintenance et la garantie de leur contenu.

    Aussi pour ma part j’opte pour un bon compromis, continuer à lire beaucoup tous azimuts, tant sur papier que sur Internet, j’aime d’ailleurs beaucoup pouvoir commenter les blogs comme les portails de journaux traditionnels version Internet, partager mes photos qui font plaisir au plus grand nombre et tenter de m’améliorer sur le sujet. J’opte aussi pour continuer à imprimer les posters de mes photos si elles sont très réussies, ou imprimer les deux recueils de poésie que j’ai déjà publiés, imprimer les faires-parts d’heureux événements, les plans de toutes sortes, les cartons d’invitation, les cartes de visite, et que sais je encore, en tout cas, imprimer tout ce qui apporte un plus et qu’on souhaite conserver.

    J’opte par ailleurs pour la dématérialisation papier pour tout ce qui est documents nécessitant un archivage papier ou électronique. Pour ce faire j’utilise Eregex et je vous convie à le tester en me contactant via mon site et le blog attenant.

  7. Un article fort intéressant qui nous est présenté la, un vaste débat aussi. L’aspect écologique a beaucoup d’importance pour moi lorsque je dois imprimer des documents chez des imprimeurs. Beaucoup d’ailleurs mettent en avant cet aspect sur leurs websites. Est ce que cela signifie encore quelque chose de posséder le label Imprim’Vert au vu du nombre de détenteurs?
    Je reconnais le fait que de nombreux efforts sont fait par les imprimeurs. Ils sont méconnus du grand public et cela est bien dommage.
    Nous avons quand à nous des idées préconçues, comme le papier recyclé par exemple qui demande une emprunte carbone bien plus importante que du papier plus « classique ».

  8. @Sandra,
    Il s’agit bien d’une idée préconçue puisque pour avoir réalisé le bilan carbone de notre imprimerie, nous avons mis en lumière la part importante de la matière première (et notamment du papier classique issu de fibre vierge) dans le volume total des émissions de co2.

    La piste d’amélioration identifiée pour nous par Climactis (entreprise spécialisée dans la réalisation de bilan carbone) était justement d’utiliser au maximum pour nos impressions un papier recyclé, ou encore mieux un papier certifié FSC (issu de la gestion responsable des forêts).

    Nous avons obtenu la certification FSC. Nous sensibilisons, et orientons nos clients vers ces choix de supports responsables.

  9. Quel a été la durée de vie de mon dernier ordinateur?
    qu’est il devenu, de quel matière était-il fait?
    quel a été son coût écologique, en terme de recyclage et de consommation énergétique?
    Dans un mail d’aujourd’hui, on me dit, n’imprime pas ce message, tu sauves un arbre. mais lequel? celui qui est dans mon jardin ou celui qui au milieu de millions d’autres a été planté par l’industrie papetière, et qui aide peut être à respirer ma planète, comme le fermier derrière chez moi sème du blé pour mon pain quotidien,et entretient ma campagne?
    bien sûr je pianote le clavier de mon ordinateur, mais dans l’enveloppe que j’ai posté hier à ma bien aimée, j’ai glissé une marguerite cueilli au bord du chemin…

  10. Vivre sans papier est pour moi, impensable. J’aime beaucoup être à l’ordinateur et j’adore l’internet. Mais quand vient le temps de lire un bon livre, j’aime l’avoir dans les mains, sentir chaque pages sous mes doigts quand je les changent. Les livres audio, je les ai essayer mais ce n’est tellement pas satisfaisant que quelqu’un d’autre lis mon livre à ma place. Je sais que nous devons sauver les arbres et que de stopper l’industrie du papier serait un moyen écologique de faire, mais les livres sont d’une valeur inestimable.

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